Billets culinaires

Nuema (Quito)

Premier restaurant équatorien de l’histoire à figurer dans la fameuse liste des Latin America’s 50 Best Restaurants (liée à The World’s 50 Best Restaurants), en n°48 en 2020, puis en n°93 en 2021, Nuema est considéré comme le meilleur gastronomique du pays. Les assiettes sont maitrisées et créatives, mais il y a à notre humble avis pas mal de marge d’amélioration pour offrir une expérience au niveau des standards internationaux de ce type d’établissements. D’autres adresses de ce style nous ont personnellement plus marqué, comme MUYU (coup de coeur total aux Galapagos) ou Zazu à Quito.

Fondé en 2014 par un couple (Alejandro Chamorro aux fourneaux et Pia à la pâtisserie), Nuema tire son nom d’une combinaison des prénoms de leurs 3 enfants: Nuria, Emilio et Martín. Après avoir travaillé chez Astrid y Gastón (le fameux restaurant de Gastón Acurio, chef star au Pérou et du continent qui est également derrière le Yakumanka à Genève), le duo a ouvert son propre restaurant au Salvador en 2014 et Alejandro a eu l’opportunité de passer par les cuisines du Noma. Ce qui l’a peut-être inspiré au niveau de la poudre de fourmis dans sa langoustine, qui sait!

Le restaurant  est situé au bas du boutique hôtel Illa dans le quartier historique de San Marcos du vieux centre de Quito (classé à l’Unesco). Même si les environs ont l’air paisibles, à bon entendeur: c’est le genre de quartiers historiques où il vaut mieux se déplacer en taxi le soir venu.

Ce qui surprend dès l’entrée, c’est le niveau approximatif de l’accueil et du service pour ce qui est censé être l’un des meilleurs hôtels de luxe de Quito (et d’Équateur). Ayant envoyé nos attentes dans ce domaine en vacances, on n’a cependant pas pu s’empêcher de remarquer ces imprécisions. Contrôle de température un peu rêche à l’entrée (Covid-19 oblige), enregistrement des noms en demandant 3 fois le nom de la réservation, petit abandon des clients dans l’entrée le temps de coordonner qui va à la porte et qui les accompagnent à leur table, gel désinfectant un peu bouché qui fait gicler le contenant en l’air et pas sur les mains, et on en passe. Mais la cerise sur la gâteau restera la sublime table pour 3 qui nous a été attribuée: 2 tables carrées pour 2 mises côte à côte contre une vitre donnant sur la ville (et un muret), avec un convive en bout de table et les 2 autres sur le long côté. Plus convivial, impossible! Selon la vidéo d’introduction de l’hôtel, il semblerait que des tables existent quelque part en terrasse, avec une vue incroyable sur la ville de jour (le soir, il fait plutôt froid et sombre).

Le bâtiment date du XVIIIe mais la partie du restaurant a un esprit totalement contemporain, un peu impersonnel voire même manquant de touches « élégantes »: on est resté un peu dubitatif devant les boules argentées en guise de décoration de table, les nappes blanches légèrement scintillantes, le niveau sonore de la musique pop qui accompagnait le repas ou encore l’éclairage un peu trop dynamique. Quant au service, comme souvent ici – dixit un Comparse habitant en Equateur depuis des années – il avait un rythme très/trop soutenu, en mode enchainement non-stop et débarrassage des assiettes à peine la fourchette était reposée, y compris quand un convive n’avait pas encore terminé son plat. Les serveurs étaient globalement sympathiques cependant.

Au téléphone, on nous avait indiqué qu’il y aurait 2 options de menu dégustation: 10 plats à 65$ hors taxes (donc 79.2$ avec les 12% de TVA et 10% de service), ou 14 plats à 85$. Sur place, seul le « 14 temps » était disponible. A noter que le pain et chaque mignardise (!) compte pour un temps, ce qui est surprenant (et un peu radin, diront les mauvaises langues). Une formule avec un accord mets-vin est également proposée (de tête autour de 45$ pour 5 verres,) sympa mais ne comportant aucun vin équatorien selon la carte des vins du moment (en « local » il y avait cependant des vins argentins, chiliens et uruguayens, pays bien plus réputés que l’Equateur au niveau vinicole). Ayant fait la remarque, le serveur nous a gracieusement fait goûter un beau verre d’Enigma, un chardonnay de la Bodega Dos Hemisferios qui figurait sur la précédente carte. Et on a bien fait de demander, car il a rendu nos papilles bien heureuses.

Pour en revenir aux plats, lors d’un dîner en juillet 2021, voilà les 14 temps du menu qui nous ont été servis (avec parfois des déclinaisons végétariennes et sans gluten):

  • excellent pain de yuca (manioc) dodu et ultra-moelleux, accompagné d’un sombre beurre de champignons et à l’ail noir tout aussi délicieux
  • Imitation de couteau de la mer à base de radis blanc (joli mais un peu fade)
  • Chou rouge séché, tartare de crevette et trèfle, sympa mais pas toujours facile à manger. Les feuilles succulentes de trèfle étaient à la fois ludiques et gourmandes, une belle découverte.
  • l’entrée coup de coeur malgré le côté un peu trop salé (la fleur de sel est revenue un peu trop souvent sur les assiettes à notre goût): carambole juteuse, sauce crémeuse à base de macambo (un végétal inconnu cousin du cacao qui a bien suivi) et coques (concha negra). Le côté iodé de ces dernières se mariait fort bien avec l’acide et le sucré du fruit. Une très – très – jolie découverte!
  • le chou fleur en textures (tige en lamelles vinaigrées, fleurs au chalumeau (ou noircies en tous cas – par simplicité on utilisera le terme de chalumeau dans ce texte, car il revient très souvent…), sublimes nibs de cacao caramélisées, yuca d’Amazonie en sauce piquante parfumée de neapia (une sorte de poivre noir sauf erreur). Un plat d’un haut niveau, clairement.
  • délicieuse langoustine parfaitement cuite, bisque gourmande très réussie, sauces vertes et noires contenant notamment de l’ail noir et des fourmis à gros fessiers d’Amazonie (hormiga culona). Dans la version « végétarienne » (faisons abstraction des fourmis qui étaient visiblement là…), des asperges croquantes occupaient l’assiette.
  • Merlu, agrémenté de sacha inchi (une plante amazonienne avec des feuilles craquantes et riches d’eau à la fois) et sacha ajo (une fleur d’ail d’Amazonie). En version végétarienne, un gros champignon grillé remplaçait le poisson, sans plus.
  • Patte de poulpe bien cuit (donc pas trop – mais pas aussi incroyable que celui d’El Mercado à Cuenca), délicieux petits oignons blancs aux bords brûlés et…sel aux vers d’Amazonie. De l’avocat légèrement marqué (au chalumeau?), pas super intéressant remplaçait le poisson dans la version végétarienne.
  • Fine tranche de tendre canard, feuilles de mélisse / chou rouge vinaigré et braisé bien tendre pour la version végétarienne. Rien de spécial à signaler, même si on suppose que le canard fait exotique et précieux ici alors qu’il peut blaser l’Européen moyen. Les cuissons étaient parfaitement maitrisées même si la viande n’était pas super chaude. Vue la taille de portion avec laquelle on ne s’est pas étouffé, on n’a pas compris qu’il s’agissait du dernier plat salé et l’assiette suivante de dessert nous a un peu pris de court…
  • l’assiette suivante en valait vraiment la peine, pour le coup: excellent sorbet de tomate de árbol (« tomate en arbre » ou tamarillo), petite tomate fourrée à une crème au fromage blanc et crème d’un autre ingrédient dont le nom nous échappe. Le tout sur une poudre croquante pleine de pepas de zambo (sorte de graines de courge)…et de gluten (alors qu’une des convives avait bien spécifié son intolérance depuis le début. Dans ce créneau-là – pas dans la gargote du coin donc, no comment).
  • Autre dessert « local » (malgré les 1000km qui séparent l’archipel du continent): algues blanches des Galapagos légèrement croquantes sous la dent, ail noir et crème de coco. Original, pas très sucré.
  • Alfajor revisité (ingrédients oubliés car le détail ne figurait pas sur le menu reçu par email)
  • Macaron bicolore (remplissage oublié également, et comme il ne figurait pas sur le menu, aucune idée de ce que c’était…C’était parfaitement maitrisé en tous les cas, tant au niveau de la coque que du crémeux).
  • une bien bonne truffe de chocolat à base de cacao équatorien (si notre mémoire ne nous joue pas de tours)

En résumé: si c’était à refaire, on y retournerait pour l’originalité de certains de ces plats, même si en 2 semaines de voyage dans le pays, on a eu beaucoup plus de plaisir à manger chez MUYU aux Galapagos, chez Zazu à Quito ou à El Mercado à Cuenca, pour des tarifs plus abordables.

Est-ce qu’on y retournera? Avec plaisir, pour découvrir d’autres saveurs inédites en pariant sur le fait que le niveau global s’améliorera peu à peu.

Appréciation subjective: 13/20

PS: pour plus de lecture en espagnol ou anglais sur le sujet, mentionnons les articles de GK (où la journaliste raconte de façon touchante son diner en solitaire alors qu’elle était sensée célébrer son admission pour des études rêvées avec son amoureux), El Commercio, El Universo ou Espresso , et évidemment le descriptif de la liste des Latin America’s 50 Best Restaurants (et oui, on les a tous lu pour se mentaliser avant d’aller dîner…)


Nuema
The Illa Experience Hotel
Junín N.E1-44 y Juan Pío Montufar
170102 Quito
Equateur
+593 2 395 7010
https://nuema.ec / https://illaexperiencehotel.com
Instagram: @nuema_restaurante
Facebook: @NUEMA-739480062869716

Miam: samedi 31 juillet 2021 – 20h – env. 175$ / 170 CHF par personne

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