Billets culinaires

Kronenhalle (Zürich)

Véritable institution pour sa collection d’oeuvres d’art, cette adresse où se retrouve le Tout-Zürich ne désemplit jamais, dit-on. Elle fête ses 100 ans en 2024. Certains disent qu’il faut y aller au moins une fois dans sa vie. Pour ressentir l’ambiance comme suspendue dans le temps tout en y mangeant un classique de la gastronomie suisse. C’est une belle expérience, pour sûr, certes pas donnée mais avec un charme de très haut niveau, presque indescriptible (surtout pour qui s’émotionne devant certains Miró).

A peine passée la porte d’entrée, le niveau et la justesse du service impressionnent: on ne saurait retranscrire la phrase d’accueil exacte du majordome, mais on se souvient fort bien du naturel avec lequel les clients étaient invités à se laver les mains ou se les désinfecter sans potentiellement les vexer, comme si cette étape rajoutée avec le/la Covid-19 avait toujours existé avant même de pénétrer dans la salle. Tout au long du repas, malgré le coup de feu, le service fut exemplaire, élégant sans être guindé, présent et rapide à la fois.

En 1924, Hulda et Gottlieb Zumsteg transforment l’Hôtel de la Couronne en restaurant (d’où le nom), qui deviendra un lieu fréquenté par moult artistes et la bourgeoisie locale. Coco Chanel, Yves Saint Laurent, Pablo Picasso, Alberto Giacometti, James Joyce, Richard Strauss, Max Frisch ou encore Friedrich Dürrenmatt ont compté parmi les clients réguliers de l’adresse, entretenant parfois des liens d’amitié personnels avec la famille Zumsteg. Gustav, le fils d’Hulda et Gottlieb, passionné d’art, fit rentrer progressivement sa collection de tableaux dans l’établissement, qui est à présent relié à la Fondation Hulda et Gustav Zumsteg.

Pour ceux qui souhaiteraient plonger dans l’histoire de ce lieu mythique (et apprendre notamment que YSL se laissait inspirer par les soies vendues par la société de Gustav ou que Sophia Loren était hautement fan de la mousse au chocolat d’Hulda), ce ne sont pas les articles qui manquent: Le Temps, la NZZ, Food Wine Travel Magazine, et on en passe…

Au rez, les murs de la salle principale sont recouverts de lambris de bois, de portraits des propriétaires et d’oeuvres d’art sans trop de protection particulière (si on visite avant ou après son repas la Kunsthaus, le contraste est d’autant plus saisissant entre la « liberté » des tableaux du restaurant et ceux du musée zurichois). Les meilleures tables sont clairement celles vers les vitres donnant sur la rue: un Chagall bleu et un Miró se font face, tout naturellement.

Ce tableau nous ayant hypnotisé, on s’est rendu compte après coup du cadrage très moyen de la photo…

Une galerie de l’établissement est dédiée à l’art suisse (Holder, Segantini, Giacometti) et la salle du bar, si on a bien suivi, présente un Picasso. Tranquillement. Une motivation sérieuse pour aller y boire un verre un jour, donc.

Un midi de septembre 2020, dans une salle vibrant entre le rythme des conversations des clients et celui du ballet ininterrompu des serveurs, on y a goûté:

  • l’avocat à la vinaigrette, tomates et oignons (16 CHF), simple et bien efficace, juste mûr et bien assaisonné

  • une salade verte, qu’on avait commandée dans l’idée d’accompagner l’avocat sans trop se remplir, mais qui ne faisait pas partie des « entrées » selon le menu. Elle a donc été comptée comme un accompagnement de plat au tarif standard de 16 CHF. C’est la plus grosse (et la plus onéreuse) salade verte qu’on ait jamais mangée au restaurant.

  • un émincé à la zürichoise (« Kalbfleisch geschnetzelt «Kronenhalle» » dans le texte, 58 CHF), forcément. Servi avec un bon rösti en 2 services, il était bon mais les champignons étaient de façon surprenante invisibles. Après enquête auprès de la serveuse, il s’avère qu’ils font bien partie de la recette mais sont mixés à la crème (on garde une préférence pour la version plus commune avec des champignons en morceaux qu’on sent sous la dent). Pour le second service, on atteint le summum de l’élégance bourgeoise: la serveuse s’approche avec une cuisinière à gaz sur roulettes pour réchauffer la viande et le reste de rösti ensemble. So charmant!

  • le Wiener Schnitzel (55 CHF), classique et efficace, avec une panure croustillante, servi à choix avec du rösti ou une salade verte.

  • un supplément des frites en accompagnement, car on avait lu dans le texte du GaultMillau 2019 en ligne qu’elles étaient « tadellos » (impeccables »). Et là, stupéfaction: elles n’étaient pas maison. Et comme tout accompagnement, leur prix était de 16 CHF. Demander avant la commande si elles étaient maison ne nous est même pas passé par la tête, vue la réputation de l’endroit, et on a réalisé après coup qu’on ne les a pas pris en photo (que dirait Freud de cet omission, mystère. Le déni total). On ne peut plus se fier à rien, ma p’tite dame!, entendait-on dans notre tête. Ayant fait part de notre surprise à notre serveuse (qui était impeccable soit dit en passant), elle n’a pas su trop nous dire si cela avait toujours été ainsi (ce qui parait étonnant). A noter que le texte du GaultMillau 2020 a été mis à jour depuis et qu’on y trouve plus aucune mention des frites…
  • en accompagnement des cafés, les petits chocolats noirs et élégants biscuits roulés

Ayant lu passablement d’articles sur l’établissement après y être allé, malgré le prix, on voudra absolument y retourner pour mieux prendre le pouls de l’endroit. A bon entendeur pour les envies à prix « modéré »: on notera a présence d’une saucisse de veau avec rösti à 30 CHF en plat principal.

Est-ce qu’on y retournera? Clairement, pour un nouveau moment suspendu où on prendra plus de temps de se balader entre les différents espaces à la fin du service.

Appréciation subjective: 14/20 (19/20 pour l’âme du lieu)

2024: 14/20 (2 toques) au GaultMillau


Kronenhalle 
4, Rämistrasse
8001 Zürich
Suisse
+41 44 262 99 00
www.kronenhalle.ch
Instagram: @kronenhalle
Facebook: @Kronenhalle

Miam mardi 15 septembre 2020 – 12h30 – env. 130 CHF par personne

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